«Le Bourg-de-Four se trouve sur la colline de la vieille ville. On échappe sur ses hauteurs aux convulsions des nseignes, aux bureaux, à la circulation agglutinée du centre ou aux rues basses affairées et bruyantes. ». Il y a cinq années déjà, une fin d’après-midi de septembre, après avoir dégusté une longeole genevoise cuite dans les règles (c’est-à-dire quatre petites heures à feu doux afin que couenne et vin blanc se fondent doucement), Robert Fred me fit découvrir la place du Bourg-de-Four. Prends ton manteau, me dit-il, on y passera peut être plusieurs heures ! Lui aussi prit son manteau et remplit les poches de « PENSERS », son dernier recueil de poésie, dont il m’avait offert d’illustrer l’édition de tête. Tu verras me dit-il, l’endroit va te plaire. Je n’y habite pas de peur de ne jamais en sortir et de plus, je n’aurais plus, comme ce soir, le plaisir d’y revenir… Ses poches se tarirent tout au long de la nuit. Il vendait son recueil aux amis et rencontres oppor- tunes. Parfois il le troquait dans un troquet contre quelques röstis accompagnés d’une tournée de ce vin blanc, sauvage et suave, qui fait du bien aux joues et à l’esprit. Je me souviens d’un Bourg-de- Four tapageur et riant, de personnages de tous âges et de toutes conditions, de discussions et de belles envolées. Je me souviens d’une place où la parole du poète avait toute sa place. Aussi, lire cette nouvelle de Robert Fred, c’est être au coeur de l’ambiance si particulière et palpitante de ce lieu de vie qui se préserve du monde d’en bas et nous réserve ce bonheur si rare, comme nous le dit Robert Fred, de se retrouver « attroupés ensemble dans une indifférence accueillante et complice, où tous lâchent le masque et redeviennent des humains ».

Gérard Guy